Une Vaudreuilloise sauvée par sa belle-sœur
Rachel Castonguay a offert un cadeau inestimable à sa belle-sœur, changeant du coup la vie de trois personnes au Canada. Elle a donné un rein.
En faisant don de son rein à un inconnu, Rachel Castonguay (à droite) a permis à sa belle-sœur de recevoir celui d’une autre personne compatible. Les deux Vaudreuilloises ont subi leur opération en 2012 et resplendissent de bonheur.
© Jessica Leblanc
Après huit ans d’attente, dont quatre en traitement de dialyse, Nathalie Lajeunesse de Vaudreuil-Dorion commençait à perdre espoir. Ses traitements interminables, son manque d’énergie, ses journées passées cloîtrée à la maison à attendre qu’on lui annonce qu’on lui grefferait un nouveau rein devenaient insoutenables. Plusieurs de ses proches lui avaient proposé de lui offrir un rein, mais l’incompatibilité de leur groupe sanguin ou la fragilité de leur santé les en avaient empêchés.
Alors que le peu d’espoir qui lui restait commençait à se dissiper, Nathalie reçut une lettre à la maison lui apprenant l’existence d’un nouveau programme de dons d’organes implanté au Québec : le Registre de donneurs vivants jumelés par échange de bénéficiaires. Ce registre permet de procéder à des jumelages de donneurs et de receveurs compatibles au Canada. Le Québec a été la dernière province au pays à adhérer à ce programme en décembre 2010. Lorsque Nathalie en a pris connaissance, elle en a aussitôt parlé à son entourage. « Quand j’ai reçu la lettre, mon mari a tout de suite voulu donner un rein, mais il n’avait pas la santé pour le faire. J’ai donc joint toute la famille pour leur présenter le programme. Ma belle-sœur Rachel m’a demandé plus de détails », raconte-t-elle.
Rachel et Nathalie ont toujours eu une relation très particulière. Alors que Nathalie était une enfant, Rachel a fait la rencontre de son grand frère qui allait un jour devenir son mari. Elles ont rapidement développé un lien familial très solide. « Rachel s’occupait de moi quand j’étais toute petite, et elle continue encore à le faire », raconte Nathalie, le regard rempli de reconnaissance.
Lorsque Rachel a appris l’existence d’un système qui permet de donner un rein à un inconnu, elle a décidé de se renseigner auprès de son médecin. « Je devais justement aller voir mon médecin cette semaine-là, explique-t-elle. J’en ai donc profité pour obtenir mon groupe sanguin et vérifier si ma santé était suffisamment bonne pour que je puisse donner un rein. »
Un humain peut facilement vivre avec un seul rein lorsque ce dernier fonctionne bien. L’unique rein grossit légèrement après l’opération, compensant l’absent. Il y a très peu, voire aucune conséquence sur la vie de la personne qui fait don d’un de ses reins. Ceux de Rachel fonctionnaient parfaitement. Elle a donc décidé de communiquer avec l’hôpital pour qu’on lui explique comment procéder pour donner un rein. « On m’a dit d’abord que je devais arrêter de fumer, ce que j’ai fait. Quelque temps plus tard, nous avons assisté à une séance d’information et j’ai rempli les documents nécessaires », se souvient-elle.
C’était en 2011. À partir de ce moment, Rachel a été prise en charge par une équipe médicale pour que son état de santé soit surveillé à la loupe. « Je devais me rendre à l’hôpital à l’occasion pour procéder à des tests. J’ai également rencontré des psychologues qui se sont assurés que je prenais cette décision de mon plein gré et que je n’avais aucune pression de ma belle-sœur pour le faire », explique la Vaudreuilloise. En effet, Nathalie n’a jamais voulu imposer la moindre pression à sa famille. Bien au contraire. « J’étais un peu réticente, parce que j’enlevais quelque chose à un proche », avoue-t-elle, les larmes aux yeux.
Les deux belles-sœurs avaient convenu qu’à n’importe quel moment Rachel pouvait changer d’idée. « Je m’étais laissé le droit de renoncer à tout moment, soutient Rachel. Jusqu’à la dernière minute. Ça m’a permis de me sentir bien dans le processus, et j’ai fait confiance à la vie. »
Environ un an après le début du processus vint enfin le moment de l’opération. Rachel n’avait pas changé d’idée. Même si certaines craintes l’habitaient, elle était déterminée à faire ce cadeau à sa belle-sœur. Les deux femmes se sont rendues à l’hôpital une première fois, mais, en raison de la haute tension de Rachel, l’opération a été reportée. « Les médecins ne prennent aucun risque pour la santé du donneur », explique celle qui s’apprêtait à donner un rein.
Le 15 mai 2012, les deux femmes furent convoquées à nouveau à l’hôpital. Cette fois, l’état de santé de Rachel était parfait. Chacune dans un centre hospitalier différent, elles sont entrées dans la salle d’opération à 7 h. Cinq heures plus tard, Nathalie s’est réveillée et a regardé son mari. « Est-ce que Rachel va bien? », a-t-elle aussitôt demandé. Son mari lui répondit par l’affirmative. À partir de ce moment, la vie de Nathalie allait complètement changer.
Trois donneurs, trois vies changées
Le registre de donneurs vivants permet de jumeler des couples de donneurs et de receveurs et des donneurs dits altruistes. Ces derniers décident d’offrir un rein sans rien attendre en retour. Le système géré par la Société canadienne du sang effectue des combinaisons dans les dix provinces canadiennes.
Nathalie et Rachel ont été jumelées à quatre autres personnes : un couple composé d’un donneur et d’un receveur, un donneur altruiste et un receveur qui était sur la liste des dons cadavériques. Ainsi, grâce à cette chaîne, trois personnes ont pu recevoir un rein.
Depuis l’instauration de ce système « donner au suivant », une vingtaine de personnes ont pu recevoir un rein. De plus, comme l’explique Louis Beaulieu, directeur général chez Transplant Québec, un rein provenant d’une personne vivante dure plus longtemps que celui d’une personne décédée. « Un rein vivant dispose de 90 % à 80 % de chances d’être toujours fonctionnel après cinq ans. J’ai rencontré des personnes qui vivent avec un rein transplanté depuis une trentaine d’années », souligne-t-il.
Deux ans après sa greffe de rein, la Vaudreuilloise Nathalie Lajeunesse rayonne de bonheur. Elle a les yeux pétillants et le sourire constant. Sa vision de la vie a complètement changé. « Je m’émerveille pour un rien. Je ne vois plus du tout la vie de la même manière. Je mange bien, je fais de l’exercice, je prends soin de moi. C’est comme une deuxième vie et elle est encore plus belle que la première. C’est incroyable la chance que j’ai d’avoir pu compter sur un proche », dit-elle la gorge nouée, en regardant sa belle-sœur.
Rachel ne ressent aucun changement depuis son opération. Elle est toujours au sommet de sa forme. « Je suis contente que Nathalie puisse avoir une qualité de vie maintenant. Elle souffrait énormément pendant sa dialyse. Je sais qu’elle va être reconnaissante toute sa vie, mais je ne veux pas c’est qu’elle soit redevable envers moi », indique celle qui vit aujourd’hui avec un seul rein.
Alors qu’elle avait dû cesser de travailler en raison de son état de santé, Nathalie a commencé un nouvel emploi il y a tout juste deux mois. Elle travaille pour le Carrefour d’entraide Lachine et peut à son tour aider des personnes dans le besoin. « J’ai toujours voulu aider les gens, confie-t-elle. Je peux enfin le faire et j’en suis tellement reconnaissante. »
Signifier son désir de donner
En cette semaine nationale du don d’organes et des tissus, Transplant Québec rappelle l’importance de signifier son désir de faire don de ses organes en cas de décès. Il existe trois façons de faire connaître son consentement : s’inscrire au Registre des consentements au don d’organes et de tissus de la RAMQ, signer l’autocollant et l’apposer au dos de sa carte d’assurance-maladie ou encore inscrire sa décision dans le Registre des consentements au don d’organes et de tissus de la Chambre des notaires du Québec.
Au 8 novembre 2010, 1245 personnes étaient en attente d’une greffe d’organe. De ce nombre, 75 % attendaient un rein.
Pour obtenir plus de renseignements concernant le Registre de donneurs vivants jumelés par échange de bénéficiaire, on peut visiter le www.blood.ca ou joindre Transplant Québec au 1 877 463-6366.