Inondations à Rigaud : Un rapport déficient met en péril leur maison | VIVA MÉDIA Skip to main content

Près de sept mois après les inondations à Rigaud, Yvon Mathieu et sa conjointe sont totalement découragés. Leur dossier n’est pas réglé au ministère de la Sécurité publique. Sans compter qu’ils se sont vus donner la date butoir du 9 décembre pour accepter une prime de départ sinon leur hébergement et leurs allocations seraient coupés.

Depuis mai dernier, le couple habite à l’Auberge des Gallant. Il a dû quitter sa maison du chemin de la Pointe-Séguin à Rigaud en urgence lors des inondations au printemps dernier. Si en ce moment 197 dossiers sont ouverts au ministère de la Sécurité publique, Yvon Mathieu croit fermement que le sien aurait pu être réglé bien avant s’il n’y avait pas eu autant d’erreurs et d’acharnement sur son cas.

Départ chaotique

Yvon Mathieu habite sa résidence sur le bord de la rivière des Outaouais depuis 34 ans. Il a choisi cet emplacement parce que sa femme et lui aiment la proximité avec l’eau. Ils espéraient en profiter pleinement lors de leur retraite. Chaque printemps, ils protègent leur maison contre l’eau qui monte, mais cette année la situation a dégénéré lors des inondations historiques.

« Ce n’est que le sous-sol qui a été touché. On avait des digues. On avait des pompes et on tenait un niveau entre 8 et 10 pouces d’eau. On avait deux pompes à essence qui marchaient continuellement jour et nuit », raconte le citoyen qui avait travaillé sans relâche pour contrôler l’eau ainsi que pour déplacer au premier étage tout ce qui était entreposé au sous-sol. Le couple avait finalement été évincé de sa maison. Yvon Mathieu se souvient encore clairement de ce dimanche de mai où il a eu cinq minutes pour prendre l’essentiel et quitter les lieux sans savoir quand il pourrait y remettre les pieds.

Yvon Mathieu raconte que son dossier a été le premier à être complété et envoyé au ministère de la Sécurité publique. Pourquoi, alors, certains citoyens ont commencé les travaux et pas lui? Selon Yvon Mathieu, il y a de l’abus de pouvoir, de l’intimidation, mais surtout plusieurs erreurs dans son dossier, et ce, depuis le début.

Dès le premier rapport, reçu le 10 août, le citoyen affirme avoir constaté de nombreuses lacunes. « C’était mon numéro de rapport, ma grosseur de maison, mais le rapport était fait comme si j’avais eu de l’eau jusqu’au premier plancher. Ils mentionnaient 80 feuilles de gyproc et 11 portes de division pour le sous-sol. Je n’ai même pas ça dans toute la maison », s’exclame le citoyen, qui s’était rendu le lendemain au Bureau des rétablissements – inondations à Rigaud afin de rencontrer les gens du ministère de la Sécurité publique pour rectifier les faits et demandant des corrections au rapport.

Une petite avancée

Après 8 à 10 semaines à se battre, à fournir de nouveaux documents et à faire les évaluations demandées, un deuxième rapport lui a été envoyé. Le 12 septembre, il recevait une nouvelle cote des dommages en deça du 50 % de la valeur de la maison évaluée à 155 839 $. Yvon Mathieu pouvait finalement faire la demande de permis à la Ville afin de réaliser les travaux pour refaire le solage.

Le 4 octobre, la Ville a émis un permis pour les travaux. Le citoyen et sa conjointe reprenaient espoir de voir les travaux se réaliser cet automne et de réintégrer leur maison avant le temps des fêtes. L’espoir fût bref. Le lendemain le Ministère leur demandait une inspections des réservoirs septiques et leur disait de ne pas entamer les travaux en attendant. Le citoyen s’est plié aux exigences. Il attend le rapport du test de caméra qui devrait être acheminé sous peu.

Cependant, entretemps, le couple du chemin de la Pointe-Séguin a eu la surprise de recevoir un nouveau rapport d’évaluation, le 9 novembre, avec la cote de 50,4 %. Comme maintenant la cote dépasse le 50 %, le ministère de la Sécurité publique ne veut pas payer pour les travaux et leur offre une prime de départ de 155 285,01 $ à la place.

« On ne veut pas s’en aller d’ici. Pourquoi ils détruiraient ma maison quand on a un permis pour la réparer. C’est une place de rêve ici, malgré qu’on aura perdu peut-être deux ans de notre vie avant que ça soit rétabli. On ne partira pas d’ici. On a espoir, mais chaque fois les règles changent », affirme le citoyen qui conteste le dernier rapport reçu et demande que des corrections soient faites.

Par exemple, le rapport comprend un coût de 7336,63 $ pour enlever et mettre des matériaux granulaires au sous-sol alors qu’il y en a déjà 14 pouces qui ont été décontaminés lors du nettoyage par un professionnel le 23 mai 2017. Ce n’est que l’une des nombreuses corrections qu’Yvon Mathieu souhaite voir dans ce dernier rapport. Sans compter que les coûts sont souvent plus élevés, car ils sont calculés comme s’ils étaient tous faits par un professionnel et jamais par le citoyen. Pourquoi tant d’erreurs alors qu’il considère avoir tout fait dans les règles depuis le début.

Yvon Mathieu a un dossier volumineux constitué des lettres, échanges de courriels, factures, rapports et estimation de toutes sortes. Un sac bien plein qu’il traîne avec lui entre sa maison (où il se rend tous les jours pour veiller au grain) et l’auberge des Gallant, où il se douche, mange et dort chaque soir. Tout le quotidien du couple rigaudien est bousculé depuis sept mois. « On est bien traités, confie le citoyen la gorge nouée et les yeux remplis d’eau. On a de la famille, mais comme on dit on aime mieux s’occuper de la maison parce que c’est le plus gros investissement d’une vie. Depuis l’âge de 21 ans que je travaille en mettant des REER et en payant mes taxes. Il n’y a plus de créances sur nos propriétés et là ils me disent qu’il faut que je m’en aille de là.»

Noël, cette année, sera bien particulier. Yvon Mathieu et sa conjointe ont mis une croix sur un souper des fêtes à la maison. Cependant, ils ne baissent pas les bras et ils continuent de se battre afin de pouvoir réaliser leurs travaux. « Il y a quelqu’un qui fait de l’abus de pouvoir, de l’intimidation et du harcèlement, parce qu’à 50,4 % il ne devrait pas y avoir de problème et qu’il y a un paquet de corrections à faire », de conclure le sinistré qui a remis, la semaine dernière, une copie de son dossier à la ministre Lucie Charlebois pour qu’elle puisse en discuter avec le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux. Tous les espoirs sont permis pour que le vent d’hiver fasse tourner la situation de bord une nouvelle fois.

Les réactions

La directrice du Service des Communications et relations avec le milieu à Rigaud, Marie-Andrée Gagnon, confirme que la Ville déplore depuis un bon moment le manque de communication avec le Ministère. « Il y a une lacune au niveau des rapports. On n’a aucun moyen de savoir si le document est final. Dans le cas de M. Mathieu, on s’est assis avec lui avec son deuxième rapport. Avec l’information qu’on avait à ce moment-là nous avons émis les permis requis. On a déjà fait le travail d’analyse basé sur le rapport numéro 2. On ne peut pas tout recommencer, surtout ne sachant pas si c’est le dernier rapport ou s’il va y en avoir d’autres. Nous on maintient le permis », précise Marie-Andrée Gagnon. Elle ajoute que la députée et ministre Lucie Charlebois a demandé qu’on lui achemine les dossiers plus problématiques pour qu’elle les règle plus haut.

Lucie Charlebois précise qu’elle a reçu une quarantaine de dossiers de citoyens, dont une vingtaine était des cas plus compliqués. Cependant, elle considère que cela est peu et elle invite les citoyens à contacter son bureau de comté afin d’obtenir de l’aide. « Je travaille effectivement avec le ministère de la Sécurité publique. On a des discussions sur plusieurs cas. Ce que je veux dire à la population de mon comté c’est svp, si vous avez des problématiques, venez nous voir au bureau de comté. Personne ne vient nous voir, je ne comprends pas. Ils ont des députés pour les représenter. Pourquoi ils ne nous mettent pas dans le coup. Je veux aider et Marie-Claude Nichols (députée de Vaudreuil) c’est la même chose », indique Lucie Charlebois, qui désire saisir les problématiques réelles pour faire le lien avec la Sécurité publique.

VIVA média a contacté le ministère de la Sécurité publique pour avoir leurs commentaires. Nous attendons un retour d’appel de leur part.

Caroline Bonin

Journaliste

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