Quand recruter à l’international devient nécessaire | VIVA MÉDIA Skip to main content

Pourquoi des entreprises d’ici vont ailleurs pour recruter alors que le processus apporte son lot de défis en plus d’être très dispendieux ? Pourquoi ne pas opter pour des travailleurs qui parlent en français ? En mai dernier, le gouvernement caquiste a annoncé que des modifications seront apportées aux critères d’immigration. Dès maintenant, les travailleurs qui viendront s’installer de façon permanente à travers un programme d’immigration économique devront parler français en amont de leur arrivée.

(Photothèque)

SANIVAC a recouru au recrutement international en 2020 pour répondre à son hypercroissance, à la pénurie de main-d’œuvre et au défi de trouver les compétences recherchées au Québec. Ce sont deux Philippins qui ont fait leur arrivée initialement. D’ici les prochaines semaines, ils seront dix. Pourtant, cette voie n’est pas la plus simple pour une entreprise.

Carolyne Houle, VP des ressources humaines chez SANIVAC, a tout tenté pour trouver des mécaniciens de véhicules lourds au Québec : salons d’emplois, offres d’emplois sur des sites internet, Emploi Québec, le tout sans résultat concret. Elle s’est donc tournée vers l’international par l’entremise d’une agence de recrutement.

C’est aux Philippines que les compétences recherchées ont été trouvées. Là-bas, les études en mécanique de véhicules lourds sont de trois ans. En plus de leurs connaissances, leur attitude et leurs valeurs ont favorisé leur sélection.

Des défis de tout type

Les délais de la paperasse complexifient le recrutement à l’international. Les entreprises doivent gérer plusieurs paliers gouvernementaux. Entre la sélection d’une firme de recrutement et l’arrivée du travailleur, en moyenne 10 à 13 mois peuvent s’écouler. Au-delà de la bureaucratie, SANIVAC s’est engagé à faciliter l’arrivée des Philippins en leur trouvant un appartement, en le meublant et en faisant leurs premières épiceries. Le processus de recrutement est particulièrement dispendieux. En effet, il peut coûter entre 14 000 $ et 20 000 $ par travailleur pour une entreprise.

La charge émotionnelle est aussi à considérer dans le recrutement à l’international. Carolyne Houle a souvent épaulé Cédric et Walter Gabriel les deux premiers travailleurs recrutés : crises de larmes, ennui, remises en question. « Ils sont venus ici pour offrir une meilleure vie à leur famille. Le but était d’adoucir un peu leur réalité », explique-t-elle.

Opter pour recruter un travailleur à l’international est donc un pensez-y-bien. « Ça demande beaucoup de temps et d’énergie que les entreprises n’ont pas toujours que ce soit de l’énergie au niveau du temps personnel », poursuit-elle.

Malgré les défis, cette voie est parfois nécessaire : « On se lance là-dedans parce qu’on veut ce qu’il y a de meilleur pour l’entreprise. Une fois qu’on a trouvé tous ceux qui sont bons dans le coin, on fait quoi ? Est-ce que c’est la solution à tout ? Je ne crois pas puisque ça vient avec un ensemble d’enjeux».

La face cachée de la francisation

Bien qu’elle ait cherché dans des pays francophones, Mme Houle n’a pas trouvé des mécaniciens de véhicules lourds avec les mêmes compétences qu’aux Philippines. Cette dernière déplore le manque de ressources pour aider les immigrants à apprendre le français. Elle rappelle les nombreuses étapes d’un immigrant nouvellement arrivé : il arrive ici, il s’installe, s’enracine, tente de comprendre le fonctionnement de la société, apprend un nouveau travail, s’ajuste à l’équipe, travaille près de 10 heures par jour, fait du temps supplémentaire, le tout en tentant d’apprendre le français dès leur arrivée. «Ça ne se fait pas d’un coup», explique-t-elle.

Afin d’éviter de remplir les horaires de ses employés, SANIVAC a libéré du temps et a engagé une professeure qui s’est déplacée pour donner des cours de français à Cédric et Walter Gabriel. Bien que des subventions aient aidé les premiers mois, la situation est bien différente maintenant, obligeant les entreprises à absorber ces coûts. « Une entreprise qui se lance là-dedans doit avoir les reins solides financièrement pour être capable d’éponger tout cela», souligne Mme Houle.

Les conséquences du changement de la CAQ

La VP des ressources humaines comprend la réflexion du gouvernement caquiste visant à ce que les travailleurs étrangers parlent en français en arrivant ici. Cependant, selon elle, ce n’est pas réaliste : «C’est impossible que des gens des Philippines arrivent ici en parlant 100 % français. Qui va faire les démarches pour apprendre notre langue avant de venir alors qu’ils ne sont pas certains que ça va fonctionner ?».

Chez SANIVAC, ce changement implique que l’entreprise devra se tourner vers les pays du Maghreb et considérer l’Europe. Rappelons que lors des derniers recrutements, les travailleurs de ces régions ne répondaient pas aux compétences recherchées. «Il va savoir un solide défi», souligne Mme Houle.

Les Philippins, des gens travaillants

L’entreprise est plus que satisfaite du travail des Philippins arrivés jusqu’à présent. «Ce sont des gens gentils, sans prétention, extrêmement travaillants et vaillants, ils ont un bon cœur. Il y avait quelque chose qui nous ressemblait dans les humains là-bas. Notre décision a été basée sur la qualité de l’humain et la compétence», souligne la VP des ressources humaines.

Le recrutement international apporte son lot de défi incluant la venue des familles de leurs employés. Cependant, Mme Houle est heureuse de ce qu’elle voit aujourd’hui : « Il y a quelque de beau dans tout ça».

Même pour ces immigrants, tout n’est pas facile. «C’est du sacrifice de mettre sa vie sur pause dans l’espoir d’une vie meilleure. Pour eux venir ici c’est l’accessibilité, c’est l’éducation, c’est la qualité de vie, c’est la quiétude et la qualité d’esprit, mais au prix d’énormes sacrifices», termine Carolyne Houle.

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