Lors des élections provinciales de 2018, la CAQ a promis de connecter l’ensemble des foyers à Internet haute vitesse sur le territoire québécois. François Legault s’est ensuite engagé à respecter cette promesse pour l’automne 2022. En date du mois de février 2023, il l’aurait respecté avec une alternative américaine censée être temporaire, qui semble aujourd’hui devenir une finalité. Des résidents du rang Saint-Antoine se mobilisent pour avoir accès à un Internet filaire.
Janie Séguin fait tout en son pouvoir pour avoir accès à Internet. Si elle avait su qu’elle n’allait pas avoir ce service dans sa maison, elle ne l’aurait pas acheté en 2019. Depuis juin 2022, son conjoint et elle ont acheté Starlink, une alternative satellite américaine dite temporaire par le gouvernement du Québec. Cependant, les problèmes s’accumulent, mais surtout cette impression qu’aucun fournisseur ne viendra réellement s’installer dans le rang Saint-Antoine. Plusieurs démarches ont été entreprises par des résidents du rang Saint-Antoine situé à Vaudreuil-Dorion, mais rien ne semble bouger, et ce, depuis 2020. Des résidents se sont donc mobilisés pour faire circuler une pétition à l’Assemblée nationale parrainée par la députée Marie-Claude Nichols.
Un problème de connexion vidéo
Sténographe de formation, Mme Séguin travaille majoritairement de la maison. La connexion ne pose pas un problème, tant que la température est bonne. « Puisque je fais toujours de la visioconférence, s’il y a des nuages, qu’il pleut ou qu’il neige, ma connexion Internet coupe. En tant que sténographe, je ne peux pas me permettre de manquer trois secondes d’un témoignage. C’est pour ça que je continue de faire des démarches pour avoir un Internet filaire fiable », explique Mme Séguin. Elle a même refusé à plusieurs reprises certains contrats par peur que sa connexion Internet coupe.
Pour Mme Séguin, la vitesse n’est pas le problème avec Starlink, mais bien les pannes qui surviennent régulièrement lors de journées ennuagées. Chaque fois qu’Internet arrête de fonctionner, elle est éjectée des plateformes de visioconférence.
Une compagnie américaine qui implique une installation manuelle
Martin Liberté réside sur le rang Saint-Antoine depuis 2021. Lors de l’achat de sa maison en 2018, il savait qu’Internet n’était pas accessible. Cependant, étant situé à Vaudreuil-Dorion et avec les promesses caquistes, il croyait fortement qu’une compagnie allait finir par connecter l’ensemble des maisons du rang. Contrairement à certains voisins, M. Laliberté n’a pas adhéré à Starlink. Il ne veut pas encourager une compagnie américaine, mais surtout accepter la proposition du gouvernement par peur que cette alternative devienne une finalité. M. Laliberté veut avoir des réponses et veut être en mesure d’avoir Internet dans son rang. « Je ne veux pas adopter la solution que le gouvernement nous donne actuellement parce que je veux qu’il voie que ce n’est pas tout le monde qui adhère à leur solution », souligne-t-il.
M. Laliberté, Mme Séguin et M. Lemieux veulent aussi mettre en lumière la complexité de l’installation du matériel Starlink. Étant une compagnie américaine, aucun technicien ne peut venir installer le service satellitaire. Il est donc nécessaire de le faire soi-même, ce qui peut être un défi pour notamment les personnes âgées habitant le rang.
Une réalité qui ne s’applique pas à tous
Selon les résidents du rang Saint-Antoine, certaines maisons seraient connectées à Internet via Vidéotron : « Je ne comprends pas pourquoi on nous fait la promotion d’un service destiné aux endroits isolés et peu accessibles, alors que tout semble en place pour brancher de manière fiable le reste des résidences sur notre tronçon de rue avec un réseau filaire », explique le conjoint de Mme Séguin dans un courriel adressé à Mme Gagnon. En effet, une trentaine de foyers et commerces du rang Saint-Antoine à Vaudreuil-Dorion n’auraient pas accès à un Internet haute vitesse filaire.
M. Lemieux quant à lui ne comprend pas pourquoi il est en mesure d’avoir accès à Internet filaire alors que ce n’est pas le cas dans son chalet familial situé dans le nord des Laurentides. « Cette solution est bonne pour les régions éloignées, mais pour plusieurs raisons elle n’est pas acceptable pour une ville à quelques minutes d’une métropole », souligne-t-il.
Un service dispendieux
Actuellement, la réelle valeur mensuelle de ce service est de 160 $. Une entente entre le gouvernement du Québec et Starlink a fait diminuer ce montant à 115 $ laquelle viendra à échéance en 2025. Mme Séguin et M. Lemieux sont inquiets de devoir continuer à débourser pour un système peu fiable en fonction de leurs besoins.
« Le prix de l’abonnement de Starlink, même avec votre rabais, est supérieur à ce qu’on peut obtenir chez les câblodistributeurs. Également, votre entente n’est valide que pour une durée limitée. Il y a raison de croire qu’elle ne serait pas prolongée », explique le conjoint de Mme Séguin dans un courriel adressé à Mme Gagnon.
« À ce jour, le gouvernement du Québec a prévu à son budget 1,3 G$ afin d’accélérer le branchement à Internet haute vitesse de tous les foyers québécois d’ici l’automne 2022 », peut-on lire sur le site du gouvernement. Ce dernier aurait respecté cette promesse en proposant une alternative temporaire. Cependant, il semblerait que cette substitution s’avère permanente. Les résidents du rang Saint-Antoine veulent avoir accès à Internet au même titre que le reste des maisons de la Ville de Vaudreuil-Dorion et que certaines maisons dans leur rue.
Un changement de discours
Plusieurs courriels ont été échangés entre certains résidents du rang Saint-Antoine et des intervenants, dont Marie-Lou Gagnon, conseillère en communications stratégiques au ministère du Conseil exécutif du Québec (MCE). Le 12 août 2022, cette dernière a répondu au courriel envoyé par Mme Séguin et son conjoint concernant les problématiques auxquelles ils doivent faire face. Mme Gagnon a mentionné à ce moment que Starlink n’était pas une solution ultime dans leur secteur et qu’ils étaient toujours en négociation pour un projet filaire. Depuis, rien n’a changé. Selon les échanges les plus récents, Starlink serait possiblement une finalité.
Si les résidents du rang Saint-Antoine se mobilisent, c’est surtout pour avoir accès à un Internet haute vitesse de qualité au même titre que d’autres résidents du rang. En 2020, Vidéotron avait accepté le projet d’offrir un service filaire dans le rang Saint-Antoine. Cependant, la compagnie serait revenue sur sa décision pour cause monétaire.