En 2019, plus de 365 000 Québécois sont ressortis de l’urgence d’un hôpital sans prise en charge médicale, selon une publication lancée par l’Institut économique de Montréal (IEDM).
Le dévoilement de ces données, qui proviennent du ministère de la Santé, survient après une période des fêtes encore une fois difficile dans les hôpitaux du Québec. Le taux d’occupation de plusieurs salles d’urgence dépassait les 150 % et que l’urgence de l’Hôpital du Suroît a atteint un taux d’occupation supérieur à 200 %.
« Plus d’un patient sur dix qui se présente à l’urgence renonce à être soigné , souligne Patrick Déry, analyste associé senior à l’IEDM. Pourtant, un cinquième de ces patients avaient été classé au triage comme étant un cas très urgent ou urgent, ce qui signifie que leur condition pouvait mettre leur vie en danger. »
Sans médecin de famille
Selon M Déry, un coup de barre doit être donné. « Un Québécois sur cinq n’a toujours pas de médecin de famille, et près d’un sur trois à Montréal. Les urgences sont la porte d’entrée du système de santé pour de nombreux patients, fait savoir M. Déry. Je précise que plus de la moitié (55 %) des visites à l’urgence ont lieu pour des conditions qui pourraient être traitées en clinique.
M. Déry insiste sur le fait que malgré les sommes considérables et croissantes que l’État injecte dans le système de santé chaque année, que le temps d’attente stagne ou se détériore. La durée médiane de séjour pour les patients sur civière est la même qu’il y a quinze ans, tandis qu’elle a augmenté de 50 % pour les patients ambulatoires.
Abaisser les barrières
Toujours selon Patrick Déry, si le gouvernement souhaite voir une amélioration, il n’a d’autre choix que de tout mettre en œuvre pour abaisser les barrières qui empêchent les patients d’accéder aux soins, quitte à déplaire à certains groupes d’intérêts.
« L’élargissement du champ de pratique des professionnels de la santé, notamment celui des infirmières praticiennes et des pharmaciens, pourra faire une différence à court terme. Malgré les récentes avancées, leur autonomie est encore inutilement restreinte. D’autres mesures, qui auront un impact à plus long terme, peuvent néanmoins être entreprises dès maintenant. De pair avec la réforme du paiement à l’acte des médecins, le gouvernement doit notamment mettre fin aux quotas d’admission en médecine. Il doit aussi profiter de l’implantation prochaine du financement à l’activité des hôpitaux pour confier la gestion de quelques-uns d’entre eux à des entrepreneurs, tout en maintenant le caractère universel de notre système de santé. « La combinaison de l’innovation entrepreneuriale à la couverture universelle des soins de santé a produit de bons résultats dans les systèmes européens. Il n’y a aucune raison de s’en priver ici », conclut Patrick Déry.