Révélation d’actes répréhensibles à l’égard de la Ville de Huntingdon | VIVA MÉDIA Skip to main content

La Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) a reçu des informations selon lesquelles des actes répréhensibles auraient été commis à l’égard de la Ville de Huntingdon. À la suite de ces divulgations, la DEPIM a tenu une enquête avant de rendre sa décision dans un rapport étoffé dans lequel elle conclut que des actes répréhensibles ont été commis à l’égard de la Ville de Huntingdon puisqu’il y a eu contravention à la loi.

Les faits reprochés à l’administration municipale concernent l’octroi d’un crédit de taxes à un promoteur pour une durée de dix ans et l’octroi d’une aide financière à plusieurs entreprises qui, selon les montants engagés, aurait dû être approuvée par les personnes habiles à voter.

L’édifice O’Connor

L’exemption de taxes concerne l’édifice O’Connor, désigné en 2009 monument historique en vertu de la Loi sur les biens culturels était à l’abandon depuis plusieurs années avant d’être ravagé par les flammes en 2022.

Lors d’une séance extraordinaire du Conseil de la Ville de Huntingdon tenue le 2 avril 2024, le conseil municipal a autorisé le maire André Brunette et la directrice générale, Johanne Hébert à signer le protocole d’entente avec Greenvest Enterprises Inc. relatif à la restauration de l’Édifice O’Connor.

Considérant plusieurs points, notamment que par négligence et/ou par manque de fonds, le bâtiment a subi une détérioration significative aux fils des ans pour, finalement, être laissé à l’abandon. En avril 2022, un incendie criminel a aggravé la situation en causant des dommages majeurs ; la Ville a signé le 24 mars suivant, un protocole d’entente ayant pour objet l’octroi d’une aide financière de la part de la municipalité et des travaux de rénovation et le maintien de certaines composantes de l’enveloppe externe de la façade principale.

Or, la DEPIM mentionne qu’avant d’accorder un crédit de taxes, une municipalité doit s’assurer :

  1. D’adopter un règlement établissant un programme de revitalisation à l’égard de tout ou partie du territoire de la municipalité;
  2. De prévoir au plan d’urbanisme un objectif de revitalisation sur le territoire visé par le programme;
  3. De limiter la durée de l’aide financière à dix ans

Ainsi, la DEPIM souligne que il est nécessaire que la Ville respecte les conditions établies par la loi, notamment qu’un règlement l’habilite à agir.

Or, le règlement habilitant la Ville a été déposé lors de la même séance du conseil que celle autorisant la Ville à signer l’entente avec le promoteur. Ledit règlement a été adopté le 2 avril et il est entré en vigueur le 19 avril 2024.

« La DEPIM doit donc conclure que l’aide, sous forme de crédit de taxes, n’a pas été accordée conformément à l’article 87 de la LAU puisqu’une condition essentielle n’a pas été respectée en l’absence d’un règlement habilitant », peut-on lire dans le rapport d’enquête.

Aide financière

L’article 92.1 de la Loi sur les compétences municipales stipule que toute municipalité locale peut, […] accorder une aide à toute personne qui exploite une entreprise du secteur privé et qui est le propriétaire ou l’occupant d’un immeuble autre qu’une résidence, sauf s’il s’agit d’une résidence privée pour aînés visée à l’article 346.0.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S- 4.2). La valeur de l’aide qui peut ainsi être accordée ne peut excéder, pour l’ensemble des bénéficiaires et par exercice financier, 300 000 $ pour la Ville de Montréal et pour la Ville de Québec et 250 000 $ pour toute autre municipalité.

Les aides financières accordées aux entreprises par la Ville de Huntingdon sont les suivantes :

Année Aide aux entreprises Dépenses de

fonctionnement                      

Pourcentage
2020 126 768,12 $ 5 299 550 $ 2,4 %
2021 105 209,52 $ 4 737 200 $ 3,8 %
2022 134 049, 22 $ 4 984 388 $ 2,6 %
2023 239 671,88 $ 5 151 153 $ 5,7 %
2024 143 474,93 $ 5 403 196 $ 2,7 %
2025 71 625,40 $ N/D N/D

La DEPIM précise que « Bien que les montants octroyés soient inférieurs à limite fixée à 250 000 $ pour toute municipalité, la moyenne de l’aide annuelle excède 1 % des crédits alloués aux dépenses de fonctionnement de la Ville. Ainsi, « toute résolution […] doit être approuvée par les personnes habiles à voter » de la Ville ».

De plus, l’aide accordée en 2023 excède 5 % des crédits alloués aux dépenses de fonctionnement. Par conséquent, l’approbation de la ministre des Affaires municipales aurait été nécessaire.

Sans mauvaise foi

Rencontrée par la DEPIM, la directrice générale de la Ville s’est souscrite aux conclusions et accepte les recommandations du rapport d’enquête. D’ailleurs, la DEPIM souligne n’avoir perçu aucune mauvaise intention derrière les faits reprochés.

Afin de régulariser la situation, la DEPIM recommande que le rapport soit déposé à la première séance ordinaire du conseil suivant sa publication. De plus, une entente devrait être réadoptée avec le promoteur de l’Édifice O’Connor afin qu’elle soit conforme au Règlement 973-2024 – Concernant le programme d’aide financière restauration bâtiments d’intérêt particulier ou historique dans une partie du centre-ville.

Finalement l’aide financière aux entreprises, versée selon l’article 92.1 LCM, devra être approuvée par les personnes habiles à voter lorsque l’aide annuelle excède 1 % ou par la ministre lorsque l’aide annuelle excède 5 % des crédits alloués aux dépenses de fonctionnement de la Ville.

Mélanie Calvé

Journaliste

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