Jules Leboeuf, la légende des légendes du sport des régates, l’ultime guerrier de l’hydroplane, est décédé le mardi 26 octobre à l’âge de 88 ans. Son fils, Jean-Guy Leboeuf, a fait savoir que son état de santé s’est détériorié récemment et que son père a poussé son dernier soupir à l’Hôpital du Suroît à Salaberry-de-Valleyfield, mardi en fin d’avant-midi.
Jules Leboeuf, décédé le 26 octobre à l’âge de 88 ans, photographié en compagnie de deux autres pilotes de la glorieuse ère des bateaux « Lauterbach », Jean-Pierre Lessard et Howie Benns. (Photo archive Denis Bourbonnais)
Jules Leboeuf a été pilote-propriétaire de 4 embarcations de classe Grand Prix dont le « Transport Leboeuf » GP-1001 en 1983 et 1984. Son héritage lui a valu une place au Temple de la renommée des Régates de Valleyfield et de la Fédération nautique du Canada. (Photo archive Denis Bourbonnais)
Surnommé « The Foot » par ses pairs en vertu de sa fougue et de son désir de maintenir la pédale au fond à chacune de ses sorties, Jules Leboeuf s’est avéré un pionnier du sport motonautique. Premier résident de Salaberry-de-Valleyfield à piloter une embarcation de la classe Grand Prix, il a fait vibrer les amateurs en raison de ses exploits sur les flots, sa réputation de bagarreur et sa résilience dans l’adversité.
Après avoir fait ses débuts dans les bateaux hors-bord au cours des années ’60, Jules Leboeuf a écrit une nouvelle page d’histoire en 1970 quand il est devenu le tout premier Québécois à remporter le Championnat national américain, menant son « Boomerang » CE-155 à la victoire dans la finale de la classe 280 pouces cubes (5 litres) à Ypsilanti au Michigan.
Ses succès l’ont propulsé dans la catégorie ouverte (Braden) avec son « Zoomerang » F-155 de classe 6 litres et en 1975, Jules a triomphé sur la baie Saint-François dans l’épreuve Invitation aux commandes de ce bolide. L’année suivante, occupant le siège d’un nouveau bateau de classe Grand Prix, il a comblé ses partisans aux Régates de Valleyfield lors des Championnats mondiaux coïncidant avec les Jeux Olympiques de Montréal. Leboeuf a fait cavalier seul dans l’Invitation à bord du « Boomerang » H-155 pour décrocher un second titre de suite dans cette épreuve.
La fiabilité mécanique de l’engin surcompressé n’était pas toujours au rendez-vous et la coque «Lauterbach» a été vendue après deux saisons. Une année sabbatique en 1978 a convaincu Leboeuf de reprendre le collier et il a ensuite pris possession de 4 bateaux sur une période de 10 ans.
Un véritable combattant
A la suite d’une saison au volant du «Desourdy Spécial» CF-8, son ancien «Zoomerang», Jules s’est fait construire un «Lauterbach» dernier cri qu’il a piloté pendant 3 années. Leboeuf a connu ses meilleurs moments en 1981 avec le «Leboeuf» GP-155 (sa compagnie de transport) et il a été couronné champion de Grand Prix Hydroplane Canada (GPHC).
«The Foot» a toutefois été victime d’un terrible accident en août 1982 aux Régates de Saint-Timothée. Personne n’a vu l’embardée qui s’est produite derrière la plus grande des îles incluses dans le parcours triangulaire. Une vidéo publiée plus tard nous a fait voir Jules Leboeuf, arrivant comme une fusée pour dépasser les autres coureurs, heurtant une vague pour s’élever très haut dans les airs.
Les résultats ont été désastreux pour le superbe bateau «Leboeuf» GP-155 lors de l’envolée. L’embarcation a été détruite alors que Jules s’en est tiré avec des blessures qui n’ont pas mis sa vie en danger.
Cette mésaventure n’a pas freiné les élans de Leboeuf qui s’est porté acquéreur du «Golden Nugget» GP-869 de Tom «Butch» Kropfeld. En 1984, aux Régates de Valleyfield, Jules a encore été victime d’une malchance alors que le «Leboeuf» GP-1001 a piqué du nez suivant une perte de contrôle. L’hydroplane a littéralement éclaté en morceaux et Jules a subi une fracture à un pied. Sa saison était terminée et il a été invité à camper la présidence honoraire des Régates de Saint-Timothée la même année.
Malgré deux accidents graves, Jules Leboeuf ne voulait pas en finir là et contre toute attente, il a commandé un «Lauterbach» gros format aux ateliers de la Virginie. Jules a piloté la nouvelle merveille aux Régates de Valleyfield en 1986 et quand il a enfoncé l’accélérateur pour la première fois le long du boulevard du Havre, personne n’avait vu une telle queue d’eau.
Jean-Pierre Lessard a pris la relève à bord du «Leboeuf Transport/OFC Schenley» GP-1001 en 1987 et l’année suivante, Howie Benns s’est retrouvé au volant du bateau lors des 50es Régates de Valleyfield. Un autre favori de la foule, le vétéran coureur a procuré à Jules Leboeuf le propriétaire ce qui lui avait échappé en tant que pilote : gagner le Grand Prix de Valleyfield.
Le tandem Benns-Leboeuf a décroché la triple couronne comptant pour le championnat mondial, américain et canadien. Un scénario idéal pour une retraite bien méritée et les Régates de Valleyfield ont célébré l’œuvre de Jules Leboeuf en lui confiant le titre de commodore honoraire en 1997.
Le premier héros local à faire sa marque dans la classe Grand Prix a pu continuer à vivre sa passion pour les régates à travers les accomplissements sur l’eau de son petit-fils Donald Leduc, son fils Jean-Guy Leboeuf et son autre petit-fils, Mickael Leboeuf qui a été proclamé recrue de l’année dans la Ligue de Régates d’Hydroplanes en 2019.
Les ennuis de santé des derniers temps n’ont pas empêché Jules Leboeuf de garder son éternel sourire. « Qu’est ce qu’on peut dire de plus au sujet de Jules. L’homme était un vrai de vrai, plus gros que la vie (bigger than life). Ayant le plus gros cœur au monde, il était toujours content de te voir et d’échanger », résume Ron O’Neill, ami de Jules Leboeuf et grand bénévole des régates.
Membre du Temple de la renommée des Régates de Valleyfield, tout comme Jules Leboeuf, le collaborateur de longue date du sport motonautique exprime sa fierté d’avoir aidé « The Foot » à décrocher une commandite des Distilleries Schenley pour l’embarcation « OFC Schenley » GP-1001.
« Leboeuf Transport était notre transporteur de bouteilles vides pendant plusieurs années et Jules venait souvent au bureau (des Distilleries Schenley). Il était toujours aussi jovial et il prenait toujours le temps de parler à tout le monde. Larry Lauterbach m’a déjà dit que c’était toujours un plaisir de construire des bateaux pour Jules car avec lui, il n’y avait jamais de problème », conclut Ron O’Neill.