Qui vous nourrira si eux ne le font pas ? | VIVA MÉDIA Skip to main content

Chaque matin, depuis le début de la crise actuelle, je regarde mon conjoint quitter pour le travail, plus fatigué que la veille. Ce matin, en le voyant régurgiter, conséquence directe de son angoisse, je lui ai demandé pourquoi il ne demandait pas à réduire ses heures de travail. « Mais, qui nourrira les gens, si je ne le fais pas? Qui convaincra mes employés de rester dans le navire si même moi je le quitte »? J’ai alors compris qu’il était un des maillons essentiels au bon fonctionnement de la gestion de la crise, qui dans l’ombre subissent la pression et le surmenage de cette crise.

Mon conjoint gère des épiceries depuis toujours. Depuis quelques mois, j’ai remarqué que la fatigue le gagnait. À quelques reprises, il m’a soulignée qu’il aimerait se réorienter professionnellement, puisque le domaine de l’alimentation devenait de plus en plus difficile à gérer. Il faut savoir que depuis quelques mois, la pénurie de main-d’œuvre affecte particulièrement ce domaine. Souvent, je le trouvais endormi sur le divan, avant même que le souper soit sur la table. Il m’expliquait alors qu’il avait travaillé seul afin de passer commandes, réceptionner la marchandise, remplir les tablettes tout en répondant aux clients. Deux de ses employés ne s’étaient pas présentés au travail, il avait donc dû les remplacer en travaillant pour 3.

 

Mine de rien, mon conjoint et les employés de la chaine pour laquelle ils travaillent ont croisé des centaines de personnes. Ils ont répondu à leurs inquiétudes, ont géré les inventaires qui diminuaient à vue d’œil. Ils ont rempli sans relâche les tablettes qui se vidaient au fur et à mesure qu’ils les remplissaient. Ils se sont ajustés, ont redoublé d’ardeur. Les caissières ont touché à des milliers d’articles manipulés par d’autres. Elles se retrouvent directement devant des clients, et ce à moins d’un mètre de distance. Malgré tout, elles demeurent debout, souriantes et rassurantes. N’est-ce pas une marque de courage et de dévotion? Il n’y a pas qu’eux. À travers la province, des milliers d’employés sont à pied d’œuvre pour servir nos familles.

 

Bien que les employés dans le domaine de l’alimentation soient épuisés et inquiets, ils demeurent à leur poste. Lors de votre prochaine visite chez votre épicier, remerciez-les d’être là. Vous me direz qu’ils ont un emploi et qu’ils devraient être heureux d’avoir une paie à la fin de la semaine. Je vous répondrai que le jeune homme de 17 ans qui m’a servie hier soir, peut se priver d’une paie quelque temps, qu’il multiplie les heures parce qu’il considère qu’il ne peut pas laisser ses collègues se débrouiller à personnel encore plus réduit. Croyez-moi, il pense aux autres avant de penser à sa paie.

 

Je vous demande pour eux, pour leur famille, pour ma famille, d’utiliser le moins possible de l’argent comptant. De tousser dans votre coude. De ne pas vider les tablettes, cela leur donne une surcharge de travail considérable. « C’est pire que dans le temps des fêtes. Je n’ai jamais vécu une situation pareille », m’a confié mon copain. Ceux qui travaillent dans un magasin grande surface, imaginez ce que serait un Boxing Day qui répète jour après jour. Pour eux, n’allez pas en famille faire votre épicerie. Un seul membre peut s’acquitter de cette tâche. Soyez courtois.

 

Pour leur moral, remerciez-les car après tout, s’ils fermaient leurs portes par manque de personnel, qui vous nourrirait?

Mélanie Calvé

Journaliste

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