Alors que l’intimidation est dénoncée partout dans les médias, j’ai discuté avec une mère de famille complètement désemparée par le cauchemar que vit sa fille de 14 ans. La mère confie que sa fille est la cible de quelques adolescentes qui ne cessent de la bombarder de messages haineux, notamment via l’application Snapchat. Elle reçoit également des menaces puis se fait agresser par plusieurs adolescentes. L’attaque est si violente qu’elle doit se rendre à l’hôpital. Je reçois les photos, mon cœur de mère fait quelques tours.
J’écris l’article et je le publie en ligne.
Dès le lendemain, une des jeunes filles impliquées m’écrit en m’ordonnant de retirer l’article. Elle crie à la désinformation, souligne que la victime n’a pas tout dit ; elle n’a pas mentionné qu’elle aurait écrit des insultes sur une table de pique-nique. Abasourdie, je lui demande ce qu’elle veut dire. Laisse-t-elle sous-entendre que cette attaque était justifiée ? Elle ne répond pas. Durant les heures qui suivent, elle envoie plusieurs courriels. Elle mentionne qu’elle a tenté de discuter avec la jeune fille qu’il n’y a pas eu de violence. Elle insiste ; la présumée victime ment.
Au même moment, une vidéo très troublante est envoyée par une des adolescentes en message privé, à l’intention d’autres jeunes. Cette vidéo fait rapidement le tour. De nombreux jeunes la reçoivent. La fin de l’agression est filmée. La victime est au sol et une adolescente s’acharne sur elle. C’est violent.
Quelques minutes plus tard, cette même adolescente se joint à son amie et m’envoie à son tour des courriels, me menaçant de poursuite pour atteinte à la réputation. Il est 14 heures de l’après-midi, après deux heures d’échanges intenses, je suis mentalement épuisée. Ces deux adolescentes sont sincèrement parvenues à m’épuiser par leur acharnement. J’ai soudain une pensée pour la présumée victime en me demandant comment elle a tenu le coup face à ces deux adolescentes. Je suis une adulte et je trouve cela lourd. Je tente d’expliquer à l’une ce qu’est la désinformation et à l’autre ce qu’est l’atteinte à la réputation, mais elles ne sont pas réceptives. Démoralisée par ces échanges, je mentionne à une d’elles qu’elle et son amie me semblent être des jeunes filles très brillantes. Je leur souhaite d’utiliser tout leur potentiel, parce qu’il me paraît évident qu’elles en ont, à faire le bien autour d’elles et je souligne que je ne répondrai plus. Je suis épuisée.
Pendant ce temps, une des adolescentes publie des vidéos dans lesquels elle sous-entend qu’elle est une légende. Cela ne veut pas dire qu’elle parle de l’agression. Je lui accorde le bénéfice du doute. Le lendemain, elle publie une vidéo dans lequel elle mentionne « Je ne suis pas voyante, mais je peux vous assurer que si la purge est instaurée elle a intérêt à courir vite ». Pour ceux qui ne le savent pas, La Purge est un film dont le synopsis est que les meurtres sont autorisés durant une certaine période.
Je suis sidérée. Je pense alors à la présumée victime. Qu’attendent-elles pour arrêter? Où sont les parents? Sont-ils au courant de ces vidéos? J’ai vu les vidéos, j’ai vu les photos des blessures de la jeune. C’est violent, vraiment violent. Se contentent-ils de la version de leur enfant, sans chercher plus loin? Se soucient-ils de cette jeune fille de 14 ans qui n’en peut plus?