Des étoiles plein les yeux | VIVA MÉDIA Skip to main content

Mon parent adorait Noël. Il aimait tout de cette fête : l’ambiance, l’abondance de nourriture, la musique et les cadeaux. Son plaisir ne résidait pas dans les cadeaux qu’il recevait, mais dans ceux qu’il donnait. Son bonheur résidait dans celui des autres.

Celui que nous surnommions Coco, possédait ce petit quelque chose de magique, propre aux gens d’exception. Ceux qui changent la vie des autres par leur présence, par leur aura et par leur capacité à donner ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas. Pour lui, Noël était prétexte à surpasser les attentes de ceux qui l’entouraient, mais aussi les attentes des inconnus.

À titre d’exemple, un jour il a rencontré à l’épicerie une femme qu’il n’avait pas vue depuis le secondaire. Elle lui avait alors confié qu’elle bouclait de peine et de misère son budget et que Noël, cette année-là, était anxiogène. Fidèle à lui-même, il l’avait alors invité à prendre un café à la maison.

Le lendemain, en arrivant chez lui, je l’ai surpris tandis qu’il emballait des jeux électroniques. « C’est pour les garçons d’une fille avec qui je suis allé à l’école », m’avait-il dit heureux comme un gamin le matin de Noël.

Je ne compte plus le nombre de Noëls où il a invité à se joindre à nous, des gens que nous ne connaissions pas, parce qu’ils étaient seuls pour le réveillon. Je ne compte plus le nombre de fois où nous avons acheté des cadeaux pour des enfants que nous ne connaissions pas.

La magie de Noël était au bout de ses doigts et il touchait le cœur des autres par chacune de ses actions.

Des étoiles plein les yeux

Tandis que l’hiver 2005 s’installait à coup de grands vents, la santé de mon parent déclinait doucement. Il n’avait pas la vitalité propre à ceux qui célèbrent leur 46e hiver. Ses journées se résumaient à dormir et ses nuits à souffrir. D’aussi loin que je me souvienne, il adorait parcourir le quartier pour contempler les décorations de Noël. Il répétait souvent que son rêve était d’avoir sur son toit, un attelage de rennes traînant un père Noël.

Triste de le voir s’éteindre, de ne plus l’entendre me dire « habille les filles et allons admirer les plus belles maisons décorées », j’ai parcouru tous les magasins, à la recherche d’un attelage de rennes illuminé, tel qu’il en rêvait.

J’ai finalement trouvé quelques rennes, un père Noël et quelques ensembles de lumières. J’ai engagé un ami qui a installé le tout. Le plus important était que les rennes et le père Noël brillent de mille feux, au sommet de son toit.

À la tombée de la nuit, je l’ai réveillé en lui demandant de m’accompagner à l’extérieur. En découvrant le décor illuminé, des étoiles scintillaient dans ses yeux, dans son cœur aussi, j’en suis certaine. « J’ai mon père Noël sur mon toit », s’est-il exclamé ému. Nous sommes restés là, à contempler sa maison, sans rien dire. C’était magique et plein d’amour.

Le plus triste des hivers

Il est décédé 14 mois plus tard. Un peu après son 47e Noël. Depuis, le temps des Fêtes était triste et gris. La magie s’était envolée avec lui. Depuis, je célèbre Noël pour mes enfants. J’enfile mon masque et j’affronte cette période à reculons, en cachant ma peine.

La magie de Noël

Cette année, par le plus grand des hasards, j’ai acheté un père Noël grandeur nature qui émerveillait jadis les enfants dans un centre commercial. Je l’ai installé devant ma fenêtre et j’ai ressenti le besoin de l’illuminer. Sans que je ne comprenne pourquoi, j’ai ressenti le besoin d’illuminer toute ma maison. J’ai également déniché plusieurs décorations rétro et j’ai acheté un renne et un traîneau illuminé que j’ai installés sur mon terrain. Sans que je ne comprenne pourquoi, une étincelle a jailli dans mon cœur. Je me suis réconciliée avec Noël. Contrairement aux autres années, je n’ai pas ressenti le besoin d’oublier son absence : j’ai naturellement accueilli sa présence. Je me suis réconciliée avec les Fêtes. J’ai été de nouveau touchée par la magie de Coco, j’en suis certaine. J’ai compris que sa magie ne s’était pas éteinte avec lui : il nous l’avait léguée en héritage. Elle est là, partout. Dans les yeux de mes petits-enfants, dans l’amour de notre famille, dans nos souvenirs et dans ceux que nous créons ensemble.

Mélanie Calvé

Journaliste

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