J’ai grandi dans la pauvreté. Celle qui nous colle à la peau, comme une étiquette qui nous précède. J’ai connu la faim. Celle qui nous réveille le matin, celle qui fait mal, celle qui nous donne mal à la tête et qui prend toute la place.
J’ai grandi en apprenant à apprécier ce que j’avais parce que je n’avais pas grand-chose. Je me souviens, comme si c’était hier, du Noël de mes cinq ans. Ma mère nous avait apporté, mon frère et moi, au sous-sol de l’église. Le curé nous avait conduits devant une longue table en nous invitant à nous choisir un jouet. Je me souviens du sentiment d’amour que j’avais ressenti face à ces inconnus, probablement des bénévoles, qui rassuraient ma mère, honteuse de ne pas pouvoir nous offrir elle-même un cadeau. Leur sourire et leur bienveillance m’ont enveloppé d’amour et m’ont marqué à jamais.
La honte de demander de l’aide
Devenue mère à mon tour, j’ai connu quelques années difficiles. Un jour de décembre, au bord du désespoir, j’ai téléphoné à la paroisse de Saint-Stanislas-de-Kostka pour leur demander de mettre mon nom sur leur liste pour les paniers de Noël. La dame était si gentille que j’ai été incapable de retenir mes larmes. « J’ai honte, si vous saviez combien j’ai honte! » Elle m’a rassurée en me disant que je n’avais pas à avoir honte, que nous traversions tous à un moment ou un autre, des moments plus difficiles.
Disparaître
Lorsque les bénévoles sont arrivés chez moi et ont rempli mon salon de boîtes de denrées, j’ai de nouveau pleuré. Je voulais disparaître tellement j’avais honte d’avoir besoin que ma communauté m’aide à nourrir mes enfants. Je me souviendrai toujours de cet homme qui m’a dit doucement « madame, là c’est votre tour d’avoir besoin d’aide, un jour ce sera vous qui aiderez d’autres mamans. Ne pleurez pas, nous sommes là pour vous aider, nous ne sommes pas là pour vous juger ». J’ai essuyé mes larmes en doutant qu’un jour, je puisse me sortir de cette situation qui me tirait vers le bas. Cet inconnu semblait croire en moi, plus que je n’y croyais moi-même.
Des biscuits au chocolat
Les bénévoles ont quitté ma maison et mes filles ont découvert le contenu des boîtes en sautant de joie. « Maman! Regarde! Des biscuits au chocolat! » C’était jour de fête. C’était incroyable. J’étais là, debout en plein milieu de mon salon, à recevoir cette vague de soutien, pendant que mes enfants sautillaient de bonheur. Je n’arrivais pas à croire que les gens étaient aussi bons. Cette aide a été plus qu’une aide alimentaire ; je me suis sentie soutenue par ma communauté, j’ai eu l’impression que je n’étais plus seule. Je me suis sentie épaulée, comprise et aimée.
Depuis, j’ai repris en main ma situation financière. Depuis, j’ai réussi à me débarrasser de cette misère qui me collait à la peau comme un mauvais sort. L’inconnu disait vrai : j’ai redonné à mon tour et je redonne chaque fois que j’en ai l’occasion. Sans le savoir, tant lorsque j’étais petite que lorsque j’étais une mère dans le besoin, les bénévoles ont semé des graines d’espoir sur mon passage. Ils m’ont enveloppé de leur gentillesse, de leur bonté et m’ont donné la petite tape dans le dos que j’avais besoin pour reprendre mon souffle. Jamais je n’oublierai à quel point leur aide m’a permis de respirer et de garder espoir en demain.