Une dame épileptique peut reprendre son chien et perd la garde de 6 animaux | VIVA MÉDIA Skip to main content

Salaberry-de-Valleyfield – Le juge Sylvain Dorais de la Cour municipale commune a rendu une décision, cette semaine, en rapport avec la garde de 7 animaux de compagnie que les Services animaliers de Salaberry-de-Valleyfield avaient retirés à une résidente de la ville.

Une Campivallensienne souffrant d’épilepsie reprend son chien d’alerte formé pour reconnaître les symptômes de cette maladie mais elle se voit retirer la garde de 6 autres animaux pour des raisons d’insalubrité de son logement.

(Photothèque)

La demanderesse dans cette cause, dont le nom ne peut être publié, est une dame épileptique qui a reçu également un diagnostic de trouble de l’amassement compulsif. Ariane (nom fictif) est mère d’un enfant de deux mois et le 29 décembre 2022, elle a été victime de violence conjugale. Cette situation a nécessité l’intervention des autorités, notamment la Sûreté du Québec et le Directeur de la protection de la jeunesse.

En application d’une entente avec le DPJ, la Campivallensienne doit habiter dans un centre d’hébergement spécialisé, sans véritable possibilité de s’occuper de ses animaux. Le 3 janvier dernier, elle confie donc cette tâche à une amie.

Insalubrité générale

Le 17 janvier, la défenderesse (Services animaliers) se rend sur les lieux pour constater l’état des animaux de compagnie de la dame, soit : un furet, un hérisson, un chinchilla, un lézard, un chien et deux chats. Ariane respecte le règlement municipal qui permet, sous certaines conditions, jusqu’à 8 animaux de compagnie.

Or, les Services animaliers constatent l’insalubrité générale du logement, son encombrement par une quantité colossale d’objets de tout genre, l’état de délabrement des cages, la quantité importante d’excréments dans lesquels vivent les animaux et le manque de nourriture. Après analyse, les Services animaliers sont en mesure d’établir que la santé et le bien-être des animaux sont compromis et procèdent à leur saisie.

Après avoir repris un certain contrôle sur sa vie, Ariane mandate une avocate et demande la rétrocession de ses animaux, ce à quoi les Services animaliers refusent par lettre datée du 24 janvier. Le 10 février 2023, la demanderesse dépose une procédure pour lui permettre de reprendre ses animaux.

Pour réussir dans sa demande, elle doit satisfaire l’ensemble des critères prévus par l’article 7.2 du Règlement. Le juge accueille cette demande d’opposition à la saisie s’il est convaincu que les conditions cumulatives suivantes sont réunies: le bien-être et la sécurité de l’animal ne seront pas compromis; le gardien de l’animal s’acquittera de ses obligations de soins envers son animal; le gardien respectera le présent règlement; les frais de garde engendrés par la saisie seront payés en entier dans le délai octroyé par le juge.

Prise en main

Ariane est toujours en attente de la décision du DPJ pour savoir si elle pourra retourner vivre dans son logis, seule avec son enfant. Elle n’a pas de véhicule pour se déplacer ni de permis de conduire. Même si elle s’attend à recevoir une pension alimentaire de son ex-conjoint, ses revenus se limitent présentement aux indemnités du Régime québécois d’assurance parentale.

D’autre part, la demanderesse s’est prise en main et son logement est maintenant habitable selon le témoignage de Sophie Bergevin du Service de l’urbanisme. Une travailleuse sociale du CLSC assure un suivi de la situation. Ariane a le temps parental majoritaire (anciennement la garde) de son fils et elle a bénéficié de l’aide de proches pour nettoyer le logement. Bien qu’elle soit éducatrice, elle s’est inscrite à une formation d’intervenante en zoothérapie, ce qui démontre son attachement profond pour les animaux.

Ariane a produit également plusieurs factures de vétérinaires afin de prouver qu’elle a la capacité de s’occuper de ses animaux. Dans l’ensemble, son témoignage et sa motivation à se prendre en main apparaissent sincères.

« Malgré tout, le Tribunal ne peut pas fermer les yeux sur la preuve présentée par les Services animaliers au sujets des infections, des maladies, problèmes dentaires et des soins vétérinaires qui ont dû être prodigués en urgence. Au moment de la saisie, plusieurs animaux étaient chétifs, malades et manquaient de soins de base, comme une cage propre et de la nourriture saine. », souligne le juge Sylvain Dorais.

L’élément déterminant dans cette affaire est le nombre d’animaux que souhaite récupérer la demanderesse. La preuve prépondérante ne permet pas au Tribunal de conclure qu’elle sera en mesure d’assurer le bien-être et la sécurité des sept animaux revendiqués, en plus de tous les soins que nécessite un enfant en bas âge. L’aide institutionnelle dont elle bénéficie actuellement ne pourra pas contrebalancer les efforts, le temps, mais aussi les dépenses supplémentaires qui devront être allouées à ces animaux.

Au-delà du Règlement, le droit des animaux est encadré par plusieurs législations dont la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal.  De plus, le Code civil du Québec leur reconnaît un statut particulier à l’article 898.1 : les animaux ne sont pas des biens. Ils sont des êtres doués de sensibilité.

« Dans les circonstances, le Tribunal doit exercer sa discrétion judiciaire en soupesant judicieusement la volonté et les souhaits exprimés par la demanderesse avec l’intérêt des animaux qui sont des êtres doués de sensibilité et qui ne peuvent plus être revendiqués uniquement sur la base du droit de propriété », de signifier le juge Sylvain Dorais.

Chiyu, qui signie guérison en japonais, est un chien d’alerte formé pour reconnaître les symptômes d’épilepsie et lui venir en aide en cas de crise. Or, la preuve qu’il s’agit véritablement d’un chien d’assistance n’a été produite qu’au deuxième jour du procès. Jamais la demanderesse n’a fait valoir cet argument dans ses demandes préliminaires auprès des Services animaliers qui contestent vigoureusement l’application de cette exception. Selon les témoins des Services animaliers, ce chien tente constamment de mordre les employés et représente un certain danger pour les étrangers.

Dette de 875 $

Le Tribunal détermine que malgré les autres facteurs étudiés, la contribution de cet animal à la santé de la demanderesse est d’une importance prédominante et Ariane pourra reprendre son chien dans les 5 jours du jugement.

Vu les problèmes de comportement actuel du chien, le Tribunal juge qu’il ne serait pas approprié qu’il accompagne Ariane au centre d’hébergement, vu sa tendance à mordiller les personnes qu’il ne connaît pas. Toutefois, comme l’intervenante du centre s’est déclaré en faveur de la présence du chien dans leurs locaux, le Tribunal ne rendra pas de conclusion à cet effet.

Quant aux frais, le Tribunal fixe le montant à 35 $ par jour pour la période de la saisie du 17 janvier au dépôt de la demande en opposition, le 10 février 2023. La somme de 875 $ devra être payée aux Services animaliers dans les 15 jours suivant le présent jugement, à défaut de quoi, ils pourront reprendre possession du chien aux frais de la demanderesse.

Pour ces motifs, le Tribunal ordonne aux Services animaliers de remettre à Ariane la chienne nommée Chiyu avec tous les biens et équipements qui servaient à assurer le bien-être de cet animal et qui sont toujours en état de fonctionnement, incluant le cas échéant, sa nourriture. Le juge Sylvain Dorais ordonne que la demanderesse s’assure que son animal vive dans des conditions normales.

En conclusion, Ariane devra payer aux Services animaliers la somme de 875 $ à titre de frais de garde dans les 15 jours du jugement. À défaut de quoi, le Tribunal autorise les Services animaliers à reprendre possession du chien aux frais de la demanderesse. Enfin, le juge limite à une fois le droit de la défenderesse de faire des visites au domicile d’Ariane pour s’assurer du bien-être de Chiyu et octroie définitivement la garde des 6 autres animaux aux Services animaliers.

Denis Bourbonnais

Journaliste

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