Le 22 septembre 1923 : La police provinciale est en alerte. Un meurtre a été commis à l’hôtel Windsor située sur la rue du Marché à Salaberry-de-Valleyfield.
Hôtel Windsor, rue Du Marché à Salaberry-de-Valleyfield. Circa 1920. Crédit photo: BANQ
Une dispute bien banale, qui aura fait couler bien de l’encre, mais surtout le sang d’un pauvre innocent, s’est déroulée devant plusieurs clients d’un hôtel très fréquenté.
Henri Laviolette, était un homme reconnu dans la région pour ses habilités de chasseurs et pour la grande qualité de ses chiens de chasse. L’homme excellait également dans l’art de sculpter des appelants de chasse. D’ailleurs, encore aujourd’hui, les canards de bois de l’homme sont encore prisés par les collectionneurs et certains valent une petite fortune. Chose certaine, Laviolette était un chasseur apprécié et sollicité de tous. Autre fait intéressant, Henri Laviolette était le frère de Jean-Baptiste Laviolette, (surnommé Jack) un des premiers joueurs des Canadiens de Montréal. En 1923, Jack Laviolette était leur entraineur en plus d’être leur directeur-gérant.
Les circonstances du meurtre
Ce jour-là, Walter Muir, un étudiant américain âgé de 23 ans, étant de passage dans la région afin de s’adonner au *bootlegger, était attablé au Windsor avec deux amis dont Joseph Plante un Campivallensien. Les trois hommes buvaient déjà depuis un bon moment lorsque Henri Laviolette pénétra dans l’hôtel accompagné d’Arthur Leboeuf. En passant devant la table où les trois hommes prenaient place, Laviolette salua Plante en lui mentionnant qu’il ne faisait qu’un petit arrêt au Windsor puisqu’il s’apprêtait à partir en excursion de chasse.
Il s’en suivit aussitôt une discussion enflammée, au sujet des habilités d’un des chiens de Laviolette. Les articles de journaux de l’époque se contredisent à propos de l’échange entre les deux hommes. Certains relatent que Plante aurait proposé à Laviolette de gager sur les habilités de son chien tandis que la plupart affirment que ce dernier insistait plutôt pour acheter son précieux compagnon.
Chose certaine, Laviolette n’appréciant pas l’insistance de Plante, l’aurait sommé à plusieurs reprises de cesser immédiatement ses revendications. Plante, continua d’insister, ce qui ne tarda pas d’exaspérer Laviolette qui lui répondit « Si tu n’étais pas un infirme, je te donnerai une taloche ». Précisons que Plante se déplaçait à l’aide d’une canne conséquemment à son infirmité au niveau d’une de ses jambes.
Walter Muir, croyant que son compagnon de beuverie était en danger, sortit un revolver de sa poche et tira 3 coups au plancher. Laviolette, surprit recula avant de sommer de nouveau Plante de le laisser tranquille. Croyant que Laviolette menaçait encore Plante, Walter Muir se releva et tira de nouveau trois coups dont un atteignit Henri Laviolette à l’abdomen.
Walter Muir, son compagnon américain et Plante, se sauvèrent aussitôt du Windsor. Ils se cachèrent dans la cave de Plante, où la police provinciale finit par les trouver dans la soirée. Henri Laviolette, décéda deux jours plus tard à l’Hôtel Dieu de Montréal, où il avait été transporté compte tenu de la gravité de ses blessures.
La dernière pendaison en sol campivallensien
Le procès de Walter Muir fut médiatisé au-delà des frontières canadiennes. En fait, plusieurs Américains d’influences, dont de nombreux politiciens, tentèrent en vain d’empêcher la pendaison du jeune homme. La mère de ce dernier multiplia les appels à la clémence au gouvernement en place. La défense souleva le fait que Muir était lourdement intoxiqué puisqu’il avait consommé plus de 18 verres de bière. Toujours, selon la défense, le jeune homme n’était donc pas dans un état mental stable.
Que cela ne tienne, les membres du juré n’adhérèrent pas à cette théorie. Selon eux, l’alcool n’était pas un prétexte justifiant un tel crime. Walter Muir fut donc pendu dans la cour de la prison de Valleyfield à 7 h 15 le 11 juillet 1924. Les dernières paroles du jeune Américain furent « je n’ai pas eu un procès juste. Je n’avais pas l’intention de tuer. Je pardonne tout ».
*Bootlegger : contrebandier d’alccol