Les lagunes contaminées de Mercier font l’objet d’une controverse plus de 50 ans après le déversement de produits toxiques et d’huiles usées autorisé par la Régie des eaux du gouvernement du Québec. Aujourd’hui, les maires et mairesses de la Régie intermunicipale d’aqueduc de la Vallée de la Châteauguay veulent des changements et de l’aide du gouvernement. VIVA MÉDIA se penche actuellement sur le sujet. Ce premier article vous brosse un portrait de l’historique et présente les demandes de Mercier, Saint-Urbain-Premier, Saint-Isidore et Sainte-Martine, membres de la RIAVC.
La Régie des eaux du Québec et le ministère de la Santé ont autorisé le déversement de produits toxiques et d’huiles usées à la compagnie Lasalle Oil Carriers inc. sur un site du territoire de Mercier en 1968. L’autorisation d’user ces lagunes comme site d’emmagasinage de déchets industriels liquides a duré jusqu’en 1972 selon un Rapport d’enquête et d’audience publique de 1994 du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement).
Cette contamination des nappes phréatiques représenterait 170 000 m3, soit l’équivalent de plus de 45 piscines olympiques. Ce sont les municipalités de Mercier, Saint-Urbain-Premier, Saint-Isidore et Sainte-Martine qui sont encore aujourd’hui touchées par cette décision. Depuis, rien n’a réellement avancé, positionnant ainsi les citoyens des municipalités dans une situation de précarité en matière d’approvisionnement en eau potable.
Des tentatives de décontamination au fil des ans
Diverses tentatives de décontamination ont été entamées au cours des années. En 1971, le gouvernement a approuvé la mise en place d’un incinérateur visant à décontaminer les lagunes sur une période de deux ans. Ce dernier a ensuite financé la construction d’un réseau d’aqueduc afin d’acheminer l’eau vers Mercier obligeant la Ville de Châteauguay à la fournir. La contamination souterraine s’est ensuite répandue en forçant le gouvernement à étendre son réseau jusqu’à Sainte-Martine, un changement qui s’est échelonné jusqu’en 1982.
La Régie intermunicipale d’aqueduc de la Vallée de la Châteauguay (RIAVC) a donc été créé dans les années 1980 afin de regrouper les municipalités d’un même réseau incluant Mercier, Saint-Urbain-Premier, Saint-Isidore et Sainte-Martine.
Avec l’échec de cette première tentative, en 1983, le gouvernement a ordonné la construction d’une usine de traitement des eaux souterraines (UTES) afin de poursuivre cet objectif de décontamination sur 5 ans.
En 1984, l’UTES a été construite ainsi que trois puits. Ce piège hydraulique capture l’eau contaminée, la traite et la retourne. Des puits d’observation ont aussi été mis en place permettant aux scientifiques d’établir des rapports quant au niveau de contamination et de faire un suivi aux municipalités.
Un décret a été adopté en 1989, par le gouvernement pour une aide financière à la RIAVC atteignant 80 % des coûts d’immobilisation des équipements nécessaires à l’alimentation en eau potable.
Quelques années plus tard, en 1991, la police verte, une unité qui lutte contre les infractions aux lois de l’environnement aurait excavé le site découvrant plus de 550 barils de BPC, près de 350 condensateurs électriques, des chaudières ainsi que des cendres de l’incinérateur.
Des travaux de maintenance auraient été effectués sur l’UTES en 2012 et une entente aurait été faite pour la construction d’une seconde usine de traitement des eaux souterraines en 2018 sous Philippe Couillard. Depuis l’arrivée de la CAQ au pouvoir, les plans de construction semblent abandonnés.
Des enjeux contemporains
Bien que le réseau d’aqueduc achemine depuis plusieurs dizaines d’années l’eau potable aux municipalités touchées par la contamination, les défis se font ressentir de plus en plus. En effet, la Ville de Châteauguay, dans son élan de densification, aurait de la difficulté à fournir parfois la totalité de la RIAVC.
Sainte-Martine, étant située au bout du réseau d’aqueduc, a déjà été victime de coupures d’eau. La dernière remonte à l’été 2022 pendant une à trois heures. L’inquiétude de Mme Lefort relève surtout des risques incendies. « Pour la sécurité des citoyens, c’est sûr que c’est un enjeu », a-t-elle souligné. Avec les changements climatiques, les incendies sont de plus en plus fréquents. Bien que la municipalité se soit dotée de camions-citernes, le risque est tout de même présent. En cas de manque d’eau dans ces camions, les bornes-fontaines ne fonctionneraient pas.
Une densification inévitable
Mme Lefort met aussi en lumière la densification de Mercier, qui se trouve sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). En augmentant ainsi les populations de ces villes, les maires et mairesses de la RIAVC se demandent comment la Ville de Châteauguay pourra s’assurer de fournir assez d’eau potable en tout temps et de quelles façons le réseau tiendra-t-il.
La nécessité d’une aide financière
Leurs demandes sont simples : avoir une aide de la part du gouvernement du Québec et obtenir plus de subventions que les autres municipalités de la province afin de trouver des solutions pour pouvoir s’approvisionner de façon autonome en eau potable. Selon les informations de la mairesse de Sainte-Martine, la Ville de Châteauguay aurait reçu plus de subventions dans le but d’améliorer ses infrastructures en eau. Cependant, aucun détail quant aux changements apportés n’aurait été reçu par la RIAVC à ce sujet.
Actuellement, Lise Michaud, mairesse de Mercier, use d’une partie de son budget municipal afin de faire du forage en amont des lagunes contaminées pour vérifier s’il serait possible d’installer un puits.
Du côté de Mme Lefort, la municipalité compte refaire l’infrastructure de son réservoir qui coutera 4 millions de dollars. Cependant, ce ne sera pas assez sur le long terme. Les maires et mairesses de la RIAVC ont donc mis en place des horaires spécifiques d’utilisation de l’eau potable afin de l’économiser le plus possible. Par ailleurs, les équipements installés par le passé sont désuets et devront être remplacés.
« Pourquoi les citoyens de Sainte-Martine et les citoyens de Mercier devraient payer pour améliorer [les infrastructures] alors que c’est une faute du gouvernement », a souligné M. Sylvain Payant, maire de Saint-Isidore.
Silence radio du côté du gouvernement
La RIAVC a tenté à plusieurs reprises de contacter le gouvernement afin de trouver des pistes de solution. Le 11 août 2022, une lettre a été envoyée à tous les paliers gouvernementaux et les partis politiques provinciaux. La CAQ serait le seul parti à n’avoir pas répondu à cette lettre.
Lors de la session parlementaire du 23 mai dernier, Madame Désirée McGraw, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’environnement, a rouvert le dossier des lagunes de Mercier après avoir rencontré les mairesses de Mercier et de Sainte-Martine le 17 mai 2023. Le ministre Benoit Charrette a souligné être à jour quant à la situation des lagunes expliquant que des actions sont posées par le ministère de l’Environnement afin d’éviter une expansion de la contamination.
« L’important c’est que les populations concernées puissent être approvisionnées en eau potable et c’est le cas présentement. Pour ce qui est de la décontamination du site, c’est un passif qui prendra encore plusieurs années », a-t-il souligné en réponse à la demande de prise en charge de l’usine de Madame Virginie Dufour, porte-parole officielle en matière d’Affaires municipales et de l’Habitation. À la fin de la séance, Monsieur Charrette a rappelé la rencontre qu’il devait avoir avec la RIAVC le 2 juin, mais qui n’a toujours pas eu lieu.
En effet, en avril dernier, la RIAVC a passé une résolution demandant une rencontre avec le ministère de l’Environnement du Québec qui aurait dû avoir lieu le 2 juin dernier. Selon les informations obtenues auprès de Mme Lefort et M. Payant, en date du 16 juin 2023, cette rencontre n’avait toujours pas eu lieu.
« On ne peut pas attendre un autre mandat d’un autre gouvernement ou un autre mandat de la CAQ. Des choses doivent être annoncées durant ce mandat-ci », a souligné Mélanie Lefort.
Au moment de la parution de cet article, VIVA MÉDIA avait contacté le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs et n’avait pas eu de retour de leur part. Un article avec leur réponse suivra.