Rester au péril de sa vie pour protéger la sienne | VIVA MÉDIA Skip to main content

L’histoire qui suit est celle de Camille, mais elle est certainement celle de plusieurs femmes comme elle. C’est le cri du cœur d’une jeune mère qui craint le pire pour son enfant et qui regrette de ne pas être restée avec le père, car pour elle c’est la façon qu’elle avait de protéger ce qu’elle a de plus précieux au monde ; la chaire de sa chaire.

Cette histoire est tout sauf un conte de fées. C’est à l’âge de 18 ans que Camille rencontre celui qui deviendra son premier copain. Camille est pétillante, rêveuse et pleine d’espoir en demain. Au début Yannick la séduit en se montrant attentionné, doux et amoureux. Puis, un jour survient un épisode de colère que Camille parvient rapidement à apaiser. Dès lors, en fait sa muse ; la seule capable de contrôler le démon qui sommeille en lui. Le couple emménage ensemble.

La réalité frappe

Les beaux jours s’assombrissent ici et là par les crises de colère de Yannick. Sa belle tente parfois de le calmer et parfois n’y parvenant pas, fait ses valises avec l’intention de partir. Chaque fois, Yannick se calme, la supplie de rester, insiste sur le fait qu’elle est la seule à pouvoir l’aider à changer. D’autres fois, c’est lui qui lui montre la porte. Camille fait alors ses valises et part. Chaque fois, il la rappelle et la supplie de revenir. Camille est confuse, elle ne sait plus quel pied danser, elle est perdue et se retrouve rapidement en détresse. Parfois, elle se retrouve dans la rue à toute heure du jour ou de la nuit ; elle a la merci de l’humeur de celui qui a une emprise sur elle. Emprise, tissée d’amour, d’espoir et de culpabilité aussi.

La naissance de leur enfant

Camille donne naissance à leur enfant. Rien ne va plus. L’instabilité de Yannick prend de plus en plus de place, sa colère aussi. « Je voulais le quitter, mais j’avais peur. Je me disais que la seule façon de protéger ma fille était d’être toujours là. Pour rien au monde, je ne voulais qu’il soit seul avec elle ».

Vouloir partir, mais rester tout de même

La jeune mère explique qu’elle a voulu partir à de nombreuses reprises. Elle y est même parvenue, mais elle est revenue à chaque fois. Yannick débutait des rencontres afin d’obtenir de l’aide, lui démontrant ainsi son désir de changer. Il avait même fait des démarches auprès de son médecin et a débuté la prise de médication. Lors des épisodes de violence, les mêmes excuses étaient évoquées ; il fallait laisser le temps à la médication d’agir, puis il fallait la réajuster. Chaque fois, Camille croit que tout se placera, qu’il lui faut juste être patiente.

Avoir le courage de partir

La police se présente à plusieurs reprises alertée par des voisins. Un jour, Yannick tente de frapper sa propre mère tandis qu’elle tient le bébé dans ses bras. Camille trouve le courage de partir ; elle sent qu’il s’en prendra un jour à leur bébé. Elle ne peut prendre ce risque. La policière lui souligne qu’elle pourra être soutenue et protéger sa fille dans ses démarches. Camille trouve le courage de partir.

C’est pour cela que les victimes restent

« Aujourd’hui, je suis partie, mais si je pouvais j’y retournerais. Selon les avocats consultés, il est impossible d’obtenir une garde exclusive. Yannick a des droits et il pourra obtenir une garde selon les recommandations du juge. Il m’a souvent fait des allusions qu’il pourrait enlever la petite. J’ai peur qu’il trouve la garderie. Les victimes restent parce qu’elles craignent que ce soit encore pire. Il m’a fait des menaces de mort, qu’il a répétées à plusieurs personnes. Maintenant, il ne peut plus m’atteindre, il n’a plus d’emprise ou presque… sa seule façon de me faire mal est en s’en prenant à ma fille. Il n’est pas patient, il n’a même jamais été cinq minutes avec elle, il n’en a jamais pris soin. Il ne la connait pas. Si vous saviez… en une seconde il perd patience et voit noir. Il n’endure pas les pleurs, il vire fou dans le temps de le dire. J’ai tellement peur, juste à l’idée qu’il soit seul avec elle que j’y retournerais demain matin, juste pour veiller sur elle. ».

Camille raconte qu’elle a consulté une avocate qui lui a reproché de ne pas avoir informé Yannick de l’adresse de la garderie puisque cela était dans ses droits de le savoir. « Il se fiche de savoir où elle est, croyez-moi. S’il veut le savoir, c’est pour me laisser savoir que s’il le désire, il peut aller la chercher et disparaitre avec elle. Le système a tout fait pour me sortir de là, on a tout fait pour me convaincre que je devais partir, qu’on me protégerait, mais ce n’est pas vrai. Une fois sortie des maisons d’hébergement, on devient une mère qui tente d’empêcher un père d’exercer ses droits. La DPJ est venue tellement de fois à la maison pour me faire comprendre que je mettais ma sécurité et celle de ma fille en danger en restant, mais une fois partie, ils ont rencontré Yannick qui est parvenu à les charmer et qui est selon eux apte à prendre soin de notre fille. Pourtant, la DPJ était même à l’hôpital à la naissance. Le seul motif était la violence conjugale ».

Incompréhension

La jeune mère explique que lorsque des intervenants du Directeur de la protection de la jeunesse la rencontraient, elle tentait de protéger Yannick en les rassurant. Ces derniers répétaient inlassablement que le protéger ne l’aidait pas, que cela prouvait seulement qu’elle niait la réalité. « Durant cinq mois, ils me rencontraient lorsqu’il n’était pas là. Jamais une seule fois, ils lui ont parlé. Le jour où je suis finalement partie, tout a changé et il était devenu un bon père. Ils me répètent qu’il était violent avec moi, mais qu’ils jugent qu’il ne le sera pas avec elle. Ils me disaient alors -mais pourquoi ton discours a changé ? Lorsqu’on te rencontrait, tu disais le contraire-. C’est normal, j’étais prise dans une relation toxique, j’étais victime de violence conjugale. Aujourd’hui, ils jugent que celui qui hier était un danger pour moi ne l’est pas pour la petite. C’est mettre ma fille à risque. C’est pour cela que les victimes restent… parce que lorsque nous sommes là, nous voyons la colère venir, nous pouvons nous mettre en elle et nos enfants. Si je n’y suis pas, qui protégera mon bébé », conclut-elle en pleurant.

Mélanie Calvé

Journaliste

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