Les archives témoignent d’un temps, parfois oublié. L’autrice de ces lignes a récemment pris connaissance d’un document, publié en 1913, intitulé Petite histoire de Valleyfield, écrit par la main de Lionel Groulx, historien, prêtre et porte-parole nationaliste du peuple canadien-français. Considérant la renommée de Groulx, il apparait fort intéressant de vous partager le contenu de ses écrits.
Dès les premières pages, il est possible de lire un passage fort intrigant concernant le passage de Champlain dans le Haut-Saint-Laurent. « Nous ne savons rien, ou à peu près, du passage des Blancs dans notre plaine, aux premiers temps de la colonie. Champlain toutefois, dans une de ses courses vers l’ouest, navigua sur le lac Saint-François et foula même notre sol. L’explorateur fut un jour surpris par la nuit au moment où il passait à l’embouchure de la petite rivière appelée aujourd’hui La Guerre, dans la paroisse de Saint-Anicet. Champlain fit tirer ses canots à cet endroit et y alluma un feu de camp ».
Les deux ermites hollandais
Groulx poursuit en relatant l’origine de la Seigneurie de Beauharnois tout en précisant que le défrichement des terres est alors concentré autour des paroisses de Saint-Clément de Beauharnois et de Saint-Timothée. À l’époque, aucun colon n’a élu domicile à l’endroit où se trouve aujourd’hui Valleyfield. Nous sommes alors au début des années 1800. Cependant, l’auteur mentionne qu’on rencontre sur le territoire la présence de deux hommes vivant comme des ermites. En effet, un dénommé Knight, d’origine hollandaise, s’est construit un petit chantier sur une pointe nommée Knight’s Point. Puis, à l’est soit vis-à-vis la Grande-Île, s’est établi un certain Dunn, également hollandais.
Vers 1817, on compte 25 familles sur le territoire, alors nommé, la Pointe-du-Lac. En 1822, un dénommé Manseau effectue un recensement et indique que 80 âmes y résident. Également, il est possible d’apprendre qu’en 1828, 34 terres de 60 arpents sont occupées.
« Mais le territoire actuel de Valleyfield demeure toujours inhabité ou à peu près », peut-on lire. Il faudra attendre la fin de la construction du canal de Beauharnois, en 1854, pour voir un changement populationnel.
Selon les écrits de Groulx, ces gigantesques travaux attirèrent à la Pointe du Lac, une partie de la population de Beauharnois et Saint-Timothée. En peut de temps, des hangars, des baraques de toutes formes, des hôtels, des épiceries et des maisons de pension, surgissent de tous côtés.
La Pointe aux voleurs
Lionel Groulx partage dans cet ouvrage, le rapport fait par le curé de Saint-Timothée, après son passage à la Pointe-du-Lac, en janvier 1854 « J’ai trouvé un tiers de pauvres gens, vivant à la journée, 630 feux et quelques maisons de très difficiles accès… Sainte-Cécile ne renferme que cent-cinquante terres avec une partie de la Grande-Île ».
L’historien poursuit en écrivant qu’il y a un temps, hélas, où Valleyfield ne passait pas pour un coin de paradis terrestre. « La Pointe-du-Lac s’appela fort équivoquement la Pointe aux voleurs. Ce surnom nous parait avoir été décerné à la Pointe-du-Lac pour des motifs plutôt fantaisistes. Voici en effet, ce que l’on rapporte pour justifier ; une barge en détresse ayant été jetée par le vent sur la côte, les habitants de Valleyfield, transformés en pirates, auraient fait main-basse sur la cargaison. On rapporte encore que les gens de la Pointe avaient la détestable habitude de s’approprier tout ce qu’il leur arrivait par les rapides du Coteau ».
Comme mentionné en amorce, les archives contiennent des informations essentielles à la pérennité de notre héritage historique. Il n’en demeure pas moins difficile de démêler la réalité de l’interprétation qu’en a fait les témoins. Cependant, il est tout de même fort intéressant de connaitre toutes les petites histoires qui contribuent à la richesse historique de Salaberry-de-Valleyfield qui comptait en février dernier, 42 964 âmes.
Source : Petite histoire de Valleyfield – Lionel Groulx 1913