Ils sont souvent les invisibles de la société. Ceux, que l’on préfère ignorer. Ceux que l’on préfère regarder de haut. Pourtant, ils ont une histoire, un vécu et les mêmes valeurs que les autres citoyens. Cependant, leur nombre est sous-estimé dans la région. Plusieurs préfèrent estimer à la baisse cette réalité n’existe pas lorsqu’ils ne la voient pas. Pourtant…
Marc-André Séguin sortira de la rue dans les prochaines semaines.
(Photo Steve Sauvé)
Marc-André Séguin et Jocelyn Larrivière sont des hommes sans domicile fixe. Le premier est natif de Salaberry-de-Valleyfield et le second des Cèdres. Depuis quelque temps, ils ont érigé un campement de fortune à Salaberry-de-Valleyfield. Jocelyn est le premier à y être arrivé. C’était en novembre 2022. Par la suite, Marc-André est venu s’y installer en mars 2023.
« Je suis à la rue depuis plusieurs années, dit Marc-André qui est âgé de 46 ans. J’ai vécu à la rue à Montréal pendant plus de 10 ans. J’ai eu ma tente au campement de la rue Notre-Dame. J’ai aussi été à la rue ici à Valleyfield. J’avais installé mon campement sur l’Île-aux-Chats. J’ai été là pendant 2 ans. Désormais, je suis sobre. J’ai repris ma vie en main. J’ai régularisé ma situation avec le gouvernement. Toutes mes choses sont en ordre. Grâce à l’organisme Pacte de rue, je suis en attente pour aménager dans un logement à prix modique. »
Jocelyn a été victime de vandalisme lorsque des jeunes ont détruit sa tente.
(Photo Steve Sauvé)
Son confrère de campement n’a pas la même chance. Il est arrivé à Valleyfield en novembre dernier. Il a donc affronté l’hiver dans sa tente. « J’avais aménagé mes choses pour ne pas avoir froid. Je me faisais un feu pour combattre le froid. Cependant, des jeunes d’environ 10 ans ont vandalisé ma tente et ils m’ont attaqué en me lançant des roches. La seule chose qui m’est venue en tête était de me présenter et de dire aux jeunes que je ne suis pas quelqu’un de méchant. Que je n’ai jamais rêvé d’être un itinérant. Que j’aimerais bien avoir trois repas par jour et avoir une vie normale, mais que je traversais en ce moment une période difficile », dit celui qui a occupé des emplois chez Roxboro excavation et chez Atelier Sabourin.
Plus de 100 itinérants
Autant Marc-André que Jocelyn indiquent que le nombre de sans domicile fixe à Salaberry-de-Valleyfield est souvent estimé à la baisse. « Les gens seraient surpris de savoir combien il y a de gens dans notre situation à Valleyfield. Oui, il y a ceux que les gens voient devant les commerces, mais il y a tous ceux que l’on ne voit pas.»
« Il y a facilement plus de 100 itinérants uniquement à Salaberry-de-Valleyfield. Les ressources débordent. Une grande partie provient de l’extérieur de la région », Marc-André et Jocelyn
La faim
Marc-André et Jocelyn réussissent à combler leurs besoins. Ils disent qu’ils sont aussi confortables que les gens qui pratiquent le camping. Toutefois la vérité est qu’ils se contentent de ce qu’ils ont. « Je mange une fois par jour, dit Jocelyn. C’est évident que je vais au Café des deux pains pour me nourrir. Je vais prendre une douche au Refuge de la rue Wilfrid. Pour les besoins naturels, il y a des toilettes publiques à proximité du campement. »
« Ce qui est le plus difficile, c’est le regard des gens. L’ignorance, ça tue. Juste un bonjour, ça peut égayer la journée. Se faire offrir un sandwich, ça, c’est une journée incroyable garantie », lance Marc-André en blaguant.
Questionnés à savoir s’ils ressentent de l’oppression des services en place, les deux hommes sont catégoriques. « Comme nous avons aménagé un feu, les pompiers sont venus voir. Mais c’est sécuritaire. Quelqu’un nous a donné un foyer. Nous nous en servons pour nous réchauffer, cuire nos aliments et faire bouillir de l’eau. Pour ce qui est des policiers, ils sont gentils et ils nous tolèrent. Sérieusement, nous ne faisons pas de trouble et nous avons même fait le ménage. La berge est beaucoup plus propre depuis que nous sommes ici », disent-ils.
Ignorants tous deux de quoi sera composé demain, Marc-André et Jocelyn ne demandent rien et ne s’attendent à rien. « C’est un peu la même chose pour toutes les personnes dans notre situation. Nous connaissons tous les politiques des ressources. Nous savons où l’on peut avoir de la nourriture, où on peut se laver, où recevoir des soins. La seule chose qui manque présentement, ce sont des lunettes à Jocelyn. Il a brisé les siennes, mais ça coûte 400 $ pour en avoir une autre paire », conclut Marc-André Séguin qui dans son cas, espère pouvoir emménager dans son futur appartement d’ici la fin de l’été.
Jocelyn et Marc-André ont nettoyé tout le long de la berge où le campement a été érigé.
(Photo Steve Sauvé)